Street Fighter III

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Street Fighter III

  Nom : Street Fighter III
Editeur : Capcom
Machine : Arcade
Année : 1997
Genre : Baston

 

Segmentation

En 1997, le genre baston s'articule en très grande majorité autour de la 3D avec des séries désormais bien implantées en arcade comme sur console à l'image de Virtua Fighter ou Tekken ainsi que de petits nouveaux comme Bloody Roar, Rival Schools ou encore Mortal Kombat 4, premier épisode utilisant la troisième dimension. On assiste même, de plus en plus, à la naissance de nouvelles franchises exclusives aux consoles telles Battle Arena Toshiden, Tobal ou Bushido Blade, pour ne citer qu'eux. Dans ce contexte peu favorable à la 2D et où l'arcade doit savoir tirer son épingle du jeu, Capcom et SNK font de la résistance, en s'entêtant à produire toujours plus de titres "à l'ancienne", pour le plus grand plaisir du noyau dur de leurs fans qui aime le bon versus fighting de profil, sublimé jadis par Street Fighter II. Très habilement, Capcom saura plutôt bien gérer la situation en lançant divers projets arcade simultanés, orientés baston : la série des Street Fighter Alpha avec le second épisode disponible depuis mars 1996, la saga Marvel avec X-Men vs Street Fighter et le futur Marvel Super Heroes vs Street Fighter, sans pour autant dénigrer la 3D avec Street Fighter EX, développé par Arika et dont l'évolution EX+ est prévue également en 97. Là où Capcom crée la surprise, c'est lorsqu'il annonce, la même année, la sortie d'un nouvelle épisode de sa série phare, le tant attendu Street Fighter III, qui se payera le luxe de voir le jour sur le tout dernier hardware made by Cacpom : le CPS3.

Street Fighter III
10 personnages, c'est un peu léger
mais au moins, il y a de nouvelles têtes.

 

Street Fighter III
Le hadoken, ça décoiffe !

  

Système verrouillé

C'est donc en plein âge d'or du CPS2, pourtant à peine vieux de 3 ans, que sort le nouveau système arcade de Capcom, très logiquement baptisé Capcom System 3 ou CPS3. Alors que le CPS2 faisait preuve d'une ergonomie, d'une simplicité et d'une robustesse exemplaires, le CPS3 s'apparente plus à un ordinateur avec sa carte mère nue, ses barettes de ram et son lecteur CD, pas toujours facile à ranger de façon sûre dans le meuble de la borne. Visiblement préoccupé par le piratage depuis le CPS1, Capcom développera son nouveau hardware autour de la sécurité et du verrouillage... de façon un peu excessive ! En effet, à chaque démarrage du système, il faudra charger l'intégralité des données cryptées présentes sur le CD afin de les charger dans la RAM. Au passage, celles-ci sont décryptées par une puce particulière, alimentée par une pile qui, une fois usée ou retirée, rendra le système inutilisable, ce qui lui vaudra le nom de "pile de la mort". Alors certes, cette panoplie de dispositifs empêchera les contrefaçons et l'émulation du CPS3 pendant de longues années, mais la complexité, la fragilité et la durée de vie limitée du système le rendra très impopulaire auprès des exploitants de salle, lui préférant largement le CPS-2 ou d'autres systèmes concurrents.

Mais mis à part cette pléthore de protections, le CPS3 vaut-il le coup ? Et bien oui ! Taillé sur mesure pour la 2D, il faut bien admettre que ce système offre des jeux techniquement impressionnants. Sprites à foison, zooms impressionnants, son de qualité CD, le tout sans ralentissements et d'une fluidité exemplaire, c'est un sans fautes. On pourra juste reprocher au CPS3 de se contenter d'une résolution identique à celle de ses aînés, mais il est encore un peu tôt pour que la HD intéresse les fabricants. Malgré ces qualités techniques, le CPS3 souffre de trop de contraintes de conception et apparaît dans un contexte qui ne lui est clairement pas favorable. Au final, ce sont juste 6 jeux (tous développés par Capcom) en 3 ans qui sortiront sur ce support. Comble de l'ironie, son aîné, le CPS2, jouira d'une durée de vie bien plus longue en accueillant des titres jusqu'en 2004.

Street Fighter III
La belle Elena dispose d'une belle panoplie de coups de pieds.

 

Street Fighter III
Le parry, la grosse nouveauté du jeu.

   

Restructuration de personnel

Hum... on était ici pour parler d'un jeu à la base non ? Street Fighter III voit donc le jour 11 mois après Street Fighter Alpha 2 et le moins que l'on puisse dire c'est que le changement est radical ! Dès l'intro, on sent que l'ambiance est diamétralement différente : entre pop-art épileptique et mise en scène minimaliste, nos nouveaux combattants sont brièvement mis en scène à travers des crayonnés et des couleurs flashy. Bon, ça ne donne pas vraiment envie mais ça n'est qu'une intro ! Nous arrivons au Select Screen pour constater que seuls 10 personnages sont sélectionnables et que Ryu et Ken mis à part, il n'y a que des nouveaux ! Au moins, le sous-titre "New Generation" n'est pas usurpé. On retrouve donc les deux karatekas de SF2, Alex le personnage principal du jeu, énorme armoire à glace aussi puissant que Zangief mais bien plus vif, Dudley le boxeur bourgeois et très British, Yun originaire de Hong-Kong et vif comme l'éclair, Elena la magnifique Kenyane au jeu de jambes aussi envoûtant que redoutable, Oro le vieux sage tellement puissant qu'il ne combat qu'avec un seul bras pour laisser une chance à son adversaire (sans déconner !), Sean le disciple brésilien de Ken, Necro le cyborg imitant à la fois Dhalsim et Blanka et enfin, Ibuki l'apprentie ninja, sorte de Naruto féminin à la palette de coups très vaste. Ce roster un peu faiblard sera très légèrement revu à la hausse puisque vous pourrez aussi jouer Yang, le frère de Yun aux coups similaires, en appuyant simplement sur pied sur l'icône de Yun. A noter que Capcom voulait tellement ancrer ce nouvel épisode dans le renouveau qu'ils avaient envisagé de ne pas y faire apparaître Ryu et Ken ! J'imagine que la crainte de la colère des fans les a fait changer d'avis et c'est tant mieux.

Et puisqu'on est à  parler des fans, il y a fort à parier que ceux-ci feront une drôle de tête en découvrant le casting que je viens d'énumérer. En effet, si l'on ne peut que saluer l'effort de Capcom de nous proposer de nouvelles têtes, force est de constater que leur design ne plaira pas à tout le monde ! Entre Necro qui ne ressemble à rien et Sean qui se rapproche trop de Dan, en passant par Oro qui est juste repoussant, pas sûr que le joueur de Street Fighter ose s'aventurer en dehors des deux judokas qu'il connaît ! Bon, c'est vrai qu'avec le temps, on apprend à les apprécier et on se console en jouant Elena et Ibuki dont le capital sympathie reste élevé, même si il n'arrive pas à la cheville de celui de la regrettée Chun-Li. En creusant un peu, on se rend même compte que les styles de combat propres à chacun des nouveaux combattants est bourré de bonnes idées et de nouveauté, il n'empêche que le premier contact avec le jeu refroidit, et ce n'est pas le lettrage et l'interface aux couleurs fluo, proches du mauvais goût, qui viendra nous rassurer.

Street Fighter III
Le zoom n'est utilisé que pour l'esthétisme... et encore !

 

Street Fighter III
Necro, le fils caché de Dhalsim et de Blanka.

   

Digne d'un Disney ?

Allez, malgré cette sensation désagréable d'avoir perdu tout ce que l'on aimait dans SF, essayons de rester objectif en observant une partie. Le versus screen à la limite du mauvais goût s'efface, fait place au match et... grosse claque dans la tronche ! Fichtre que c'est beau ! Notre regard est tout d'abord captivé par cette animation incroyablement fluide qui confine à chaque mouvement un réalisme jusqu'alors jamais vu dans ce type de jeu. Art of Fighting 3 avait placé la barre très haut, SF3 explose tout avec un souci du détail ahurissant ! Les cheveux d'Ibuki, les plis du kimono de Ryu, les fesses d'Elena ou les corps virevoltants après un coup reçu, tout est parfaitement décomposé et donne un rendu saisissant de dynamisme. Au service de cette animation sans faille, les sprites sont parfaitement dessinés, dans un style un peu plus sérieux que dans SFA, gagnant encore légèrement en finesse, en couleurs et surtout en taille.

Comble du bonheur, les décors sont également d'un niveau exceptionnel ! Ils sont nombreux, variés, superbement dessinés et bourrés d'excellentes animations leur conférant un côté très vivant. Les couleurs sont parfaitement choisies et il suffit de jeter un oeil aux screens présents dans cet article pour constater l'excellence de la technique visuelle. Chapeau bas aux développeurs et graphistes qui, malgré le design discutable des nouveaux arrivants, ont su donner une identité visuelle toute nouvelle à ce Street Fighter en propulsant sa technique au sommet d'un genre pourtant déjà fort représenté.

Laissons nos yeux se délecter et ouvrons grand nos oreilles. Là aussi, ce Street Fighter III fait table rase du passé en nous proposant de tous nouveaux bruitages et de nouvelles voix, d'excellente facture et à l'identité bien marquée. Côté musique, ça ne plaira pas non plus à tout le monde avec une ambiance bien plus zen et jazzy que dans les autres opus. Dans le genre, c'est de très bonne facture, mais on aurait peut-être aimé des thèmes plus épiques et un peu moins de "musique d'ascenseur". Il n'empêche que son et image sont parfaitement complémentaire et judicieusement interdépendants, avec des coupure de la musique lors de Super Combo Finish participant à l'aspect hollywoodien des combats.

Street Fighter III
Super Art Finish... un peu kitch non ?

 

Street Fighter III
Les décors sont superbes, Oro en est vert !

   

Ajouts et suppressions

Mais que serait un Street Fighter sans son gameplay légendaire ? Comme pour tout nouvel épisode, SF3 apporte son lot de nouveautés, et comme à chaque fois, celles-ci sont redoutablement bien pensées. Là où l'on est plus sceptique, c'est dans les fonctionnalités qui disparaissent ! En effet, vous pouvez dire au revoir au air guard instauré par Alpha et à certains coups en l'air comme les Tatsu de Ryu et Ken qui dataient pourtant de SF2'. Ok, Capcom veut donc tout reprendre à zéro, à l'image des Super Combo (rebaptisés ici "Super Art"), au nombre de 3 par personnage mais dont seulement 1 pourra être utilisé durant toute la partie, à choisir lors du Select Screen (ça rappelle presque 2X). Même si vous n'avez qu'un seul Super Combo à disposition, vous aurez de 1 à 3 barres selon le coup choisi et selon sa puissance. A vous de tester les différents Super Arts des personnages pour faire le choix le plus judicieux.

Heureusement, les nouveautés devraient nous consoler, à commencer par le Parry. Cette technique vous permet de bloquer n'importe quel coup ou coup spécial (sauf les chopes) sans prendre aucun dommage, en appuyant brièvement sur Avant pour un coup haut ou Bas pour un coup bas, au moment de recevoir un coup. Un parry réussi vous offre ainsi l'opportunité de contre-attaquer dans la foulée, une idée à la fois pratique et dangereuse. En effet, si le parry permet bon nombre de retournements de situations et peut empêcher de vous faire acculer dans un coin, il est aussi directement sanctionné par un coup en cas de mauvais timing ! Très vite, vous en viendrez à privilégier garde ou Parry selon les coups à bloquer et le risque que chaque technique comporte. Avec un peu d'entraînement, vous parviendrez  à parer systématiquement les boules de feu, puis les coups en l'air et, pour les plus doués, des Super Combos en entier ! Le Parry est donc un élément de gameplay très simple dans sa conception, mais incroyablement riche en terme de stratégie, même si il s'adresse surtout au joueurs les plus expérimentés tant il est exigeant en terme de timing.

L'autre principale nouveauté est la présence de dash, permettant un petit bond en avant ou en arrière, déjà présent sur bon nombre de titres SNK et s'effectuant par deux petites pressions sur avant ou arrière. Un petit plus que l'on adopte rapidement et qui se trouve être une excellente alternative au saut, souvent prévisible, lorsque l'on veut se rapprocher d'un adversaire trop éloigné. Dernière innovation, à la fois graphique et stratégique : la barre de Stun, située sous la vie, qui vous indique à quel moment votre adversaire sera sonné. Pratique pour voir quels sont les coups qui assomment le plus.

Globalement, le gameplay de SF3, même si il est unique, rappelle d'avantage 2X qu'Alpha par l'absence de sa garde aérienne et son unique Super Combo. Les amateurs d'Alpha 2 seront probablement désorientés et auront peut-être une sensation de régression en découvrant cet opus, mais en creusant un peu, ils découvriront un gameplay au moins aussi riche, mais radicalement différent, moins bourrin, plus stratégique, d'avantage basé sur l'exploitation des erreurs et les punitions.

Street Fighter III
Dudley ou la classe anglaise incarnée.

 

Street Fighter III
C'est ça, agenouille-toi et je te rend ton sac !

   

C'est la baffe que j'préfère

Niveau punition, le CPU s'y connaît ! En effet, oubliez le mode solo tranquilou de la série Alpha car celui de SF3 est assez ardu ! Moins violent que 2X, le CPU s'avérera tout de même assez pénible, ne laissant passer aucune erreur de votre part et affichant une difficulté crescendo tout au long des 6 matchs à effectuer avant d'affronter Gill, le boss final. On aurait aimé le retour des niveaux bonus pour gonfler légèrement cette progression un peu courte, mais Capcom ne l'a pas décidé ainsi, dommage.

Pour ceux qui s'intéresseraient au scénario, sachez que SF3 se déroule 5 ans après SF2 (oui le bandeau de Ryu est rouge ! ouf !) et qu'il n'est plus du tout question de Shadaloo, l'organisation de Bison, mais d'un nouveau méchant, Gill, sorte de demi-Dieu ayant organisé un tournoi pour recruter les meilleurs combattants de la planète et les utiliser dans son plan de conquête du monde. Ah bah oui, on a eu de l'originalité dans le visuel, dans les musiques, dans le gameplay, on ne pouvait pas en avoir dans le scénario !

Street Fighter III
Pssst, c'est de l'autre côté que ça se passe !

 

Street Fighter III
Même avec un seul bras, Oro peut balancer Alex !

  

Déroutant mais puissant

Street Fighter III déroute. En tant que jeu à part entière, il y a très peu de reproches à lui faire, malheureusement, SF3 est la suite attendue d'un jeu cultissime et ne peut donc que souffrir de la comparaison avec son aîné. A ce titre, on regrettera de ne trouver que très peu de personnages "connus" et le look très particulier des nouveaux ne nous invitera pas forcément à les adopter. A côté de cela, SF3 est une tuerie technique ! L'animation et les graphisme se placent sans aucun souci comme la nouvelle référence dans le genre et même si l'ambiance générale n'est pas aussi plaisante que dans Alpha 2 ou SFF2X, on ne peut que s'incliner devant le travail accompli. Le gameplay est également parfaitement pensé, même si il s'adresse plus aux joueurs aguerris qu'aux casuals qui lui préféreront largement SFA2. De plus, même s'il reste très bluffant, on sent que le jeu est perfectible, tant sur son ambiance un peu austère, que sur son gameplay un peu timide.

Un jeu principalement réservé aux fans purs et durs donc, qui souffrira à la fois de la stratégie commerciale de Capcom sortant plusieurs jeux du genre en même temps (SFA2 ou XvSF seront bien plus populaires) mais aussi de l'absence d'adaptation sur d'autres supports. En effet, la seule conversion du jeu ne verra le jour que 4 ans plus tard, sur Dreamcast, dans une compilation. Le jeu est donc contraint à ne pas sortir des salles d'arcade, prisonnier d'un hardware peu aimé par les exploitants. Street Fighter III sort donc dans une indifférence quasi totale auprès d'un grand public qui, 3 ou 4 ans plus tôt, attendait ce jeu comme le messie.

Street Fighter III
"Attention, ça va craquer !"

 

Street Fighter III
Le nouveau boss, Gill, souffre souvent de chaud et froid.

   

La note du gros JYP : 4/5

 

 

Changement brutal

Street Fighter III veut relancer la série sur de toutes nouvelles bases et y parvient globalement très bien, au risque de dérouter son public. Le titre manque cependant d'un peu de charisme pour prétendre supplanter SF2 ou même SFA2.

 

 

Télécharger Street Fighter III

Télécharger Street Fighter III version arcade

  

 

Vidéo de gameplay sur 1 crédit :

Article rédigé par JYP le 08/07/2015
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